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Peut-on éprouver du plaisir à se serrer
contre un corps semblable au sien ?
Une Analyse littéraire sur l’homosexualité féminine
« Hippolyte, ô ma sœur! tourne donc ton
visage,
Toi, mon âme et mon cœur, mon tout et ma
moitié »
écrit Baudelaire dans sa poésie
d'intitulée Les femmes damnées sur Delphine et Hippolyte. L'amour et le désir n'ont pas de
frontière soit dans la vie réelle soit dans le monde littéraire. L’homosexualité féminine, cette
attirance sexuelle d'une femme vers à une autre femme, décrite également sous le nom de lesbianisme
fait souvent écho dans les écritures féministes. On trouve ce thème évoqué aussi
dans le roman L'Amande écrit par Nedjma et Moi, Tituba sorcière
écrit par Maryse Condé, qui méritent d'être discuté plus largement.
In the 1970's a call to political lesbianism by radical feminists was
based on the principle that heterosexuality , as social norm , was a further
indication of women 's oppression . This evolved from the assumption that only
'true' feminists are lesbians because they choose women as sexual partners. Thus,
they truly women centred. 1
Cette idée est itérative tout au
long de romans en question : « Pourquoi
les femmes ne peuvent-elles se passer des hommes ? » 2 interroge Tituba en montrant que le corps
féminin souffre à cause de son attachement au corps masculin. Pourtant, au-delà
d'une lecture féministe militante pour l'acceptation sociale et la légalisation
d'un tel concept, peut-on voir l'homosexualité féminine comme une expression de
désir, une partie intégrante de la vie quotidienne dans ces romans?
« Peut-on éprouver du plaisir à se serrer
contre un corps semblable au sien ?Hester m’indiquait-elle le chemin d’une
autre jouissance? 3
Condé utilise un autre
personnage littéraire Hester dans le roman The
Scarlet Letter par Nathaniel Hawthorne qui avait été punie pour l’amour
adultère mais se venge du monde
hypocrite en se suicidant. Tituba et Hester sont liées intimement dans la prison et leurs corps sont capable
d'éveiller le désir. Badra aussi raconte d'abord ses souvenirs d’adolescente et
la fascination qu'elle éprouvait pour les prostituées (les hajjalas) de son
village qu'elle rencontre au hammam.
J'ai pu les
admirer tout mon saoul le jour où je les ai croisées devant le bassin d'eau chaude.
[…] Moi, je suis restée plantée là à les dévorer des yeux. Elles étaient belles
et jumelles. Leurs corps moulés dans des combinaisons en fine dentelle […] Les
seins, outrageusement lourds, avaient le téton rose et épanoui comme un grain
de grenade. […] Elle m'a pris le visage entre ses mains, telle une coupe, et
m'a embrassée presque sur la bouche, légèrement d'abord, puis d'une pression
chaude et insistante. 4
Badra est naturellement attirée
par la beauté physique des « mauvaises femmes » dont elle observe chaque partie
du corps avec curiosité enfantine. Elle met en valeur poétiquement un corps
féminin voluptueux, et sa capacité de donner du plaisir. Le baiser qu'elle
reçoit de Saba reste un moment inoubliable dans sa vie. C'est un corps féminin
qui rend heureux un autre corps féminin. D'autant plus que, du fait du rejet social, légal et même de la
condamnation religieuse d'un tel acte, nous assisterons ici à une énonciation
simple de désir du corps. La conscience enfantine ne subit pas les restrictions
sociales dans ce cas, l’innocence de Badra en est le témoin.
D'autre part, l'appréciation de
la beauté d'une femme par une autre femme est rare car une femme en général
préfère critiquer et souvent jalouse de son propre genre. Dans le cas des
prostituées, elles sont le plus souvent marginalisées et discriminées par les autres
femmes. Par exemple la mère de Badra « a
vite fait demi -tour » en les rencontrant au Hammam. Pour répondre à cette hypocrisie des femmes
vis à vis de leur propre genre, Nedjma développe le personnage de Badra qui
sympathise avec les femmes marginales, les victimes sexuelles. Elle tente de
redéfinir le Hammam comme l'espace collectif idéal pour renforcer la solidarité
féminine.
Le Hammam est un espace privilégié pour le corps féminin dans la
culture musulmane et marocaine et en plus d'être un espace de purification, il
est un espace de sensualité où la relation de la femme à son corps est très
particulière. Il est aussi un espace collectif et socioculturel où «toute une
vie sociale est entretenue [...] lorsque les femmes s'y rencontrent, elles
recomposent à l'aune de leurs désirs (ou de leurs espérances) l'humanité proche
en contractant toutes sortes d'unions matrimoniales et de parenté et en divulguant
les on dit ravageurs .5
En plus d'être un espace social,
le hammam est le lieu du divertissement, de la nudité et de l'intimité
féminine. Donc, c'est cet aspect esthétique que l’écrivaine voulait démontrer à
travers sa tentative du thème homosexualité féminine.
Cette idée de lesbianisme
réapparaît plusieurs fois dans le roman au cours des différentes étapes de la
vie de Badra. Quand elle était au lycée, elle dormait avec une autre fille qui
s’appelle Hazima. Badra raconte son expérience de toucher le corps d’Hazima :
« J'ai
caressé sa peau, la paume moite et ouverte. Son satin frissonnait sous mes doigts
et les grains de beauté ondulaient sous leur passage » 6
Wafa,
la domestique tombe amoureuse de vieille Badra :
« C'est curieux, seule une femme a tenté
d'écorcher mon écorce, tombée amoureuse de moi à mon issu avant même que je ne
me couche et ne la touche »7
Le
corps de Badra est témoin de ce plaisir refusant toute culpabilisation imposée
à elle. Le défi que pose le roman maghrébin est de choisir entre le bonheur
personnel et le respect des valeurs morales, ce qui nous apparaît un thème
universel dans la littérature alors que le roman caribéenne met une valeur une
femme noire libérée d’un système établi. La caractéristique remarquable de ces deux romancières est qu’elles ont osé à
briser les tabous de « la pudeur » et de « la honte » associés à la narration
de scènes érotiques au lieu de se limiter à une narration de l’oppression que
subissent les femmes. Ainsi, cette banalisation du lesbianisme ou attirance
sexuelle des femmes comme une expression de désir au lieu d'une représentation polémique devient
une idée signifiante dans ces deux romans.
Par Jahooli Devi
Par Jahooli Devi
Références :
1 Feminism & Postfeminism, Edited by
Sarah Gamble, Routeledge, London, 2001, p.263.
2 CONDE, Maryse, Moi,Tituba
sorcière..., Mercure de France, 1986, p.30.
3 Ibid,p.190.
4 NEDJMA, L'Amande,
Paris, Plon, 2004, p.153.
5 CHEBEL, Malek, L'imaginaire
arabo-musulman, Paris, PUF, 1993, p.54.
6 NEDJMA, L'Amande,
Paris, Plon, 2004, p.185.
7. NEDJMA, L'Amande,
Paris, Plon, 2004, p.283.
Image: Femmes Damnées, 1934, huile sur toile, 162 x 130 cm © The Baudelaire Society and Limouse Foundation Limited)
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